Selon Santé publique en ce mardi 5 février 2019, 7,2% des français âgés de 18 à 75 ans ont déjà tenté de mettre fin à leurs jours; et cela touche particulièrement les femmes.
Ce chiffre terrifiant fait écho en moi. Je constate que les jeunes que je vois dans mon cabinet parlent de désir de mort, et ce mois-ci 3 jeunes filles sont particulièrement en risque.
Elles racontent "les mêmes évènements" qui leur ont paru un passage obligé, qui parfois se sont passé il y a entre 3 et 7 ans, et qui aujourd'hui laissent des traces d'une grande violence.
Il s'agit de stress post-traumatiques sur des évènements qui parfois ont eu lieu il y a longtemps. Aujourd'hui, aidées, elles peuvent enfin les qualifier de viol.
Lors de leur adolescence, ces jeunes filles dans un cadre "amical" se sont lancées dans la grande aventure sociale et de la sexualité en se laissant entrainer vers des comportements imposés par leur camarades masculins....et féminins! Et en ce temps-là de leurs jeunes vies elles n'ont pas pu prendre la mesure et l'influence désastreuse que cela aurait plus tard.
Les premiers émois amoureux et surtout et avant tout, le désir d'être aimées, leur ont fait accepter des attouchements sexuels, des baisers forcés, des fellations... ou plus..., sans se rendre compte qu'il s'agissait d'agressions sexuelles graves.
Sur le moment, la pression sociale des amis(ies), leur désir de plaire et d'être intégrées à leur groupe de pair, d'avoir le plaisir de dire qu'elles étaient "en couple", leur ont fait accepter malgré la "gêne" ressentie, ce que l'on nomme aujourd'hui agression sexuelle voire viol.
Et quand, aujourd'hui, autour de leur 17-22 ans, maintenant que leur vie sexuelle pourrait vraiment se mettre en route, la dépression, le dégout de soi, l'impossibilité de se laisser approcher ou toucher les terrassent. Le désir de mourir pour "arrêter ça" selon leurs propres mots, nécessite une intervention rapide et parfois une hospitalisation en urgence.
Quel est ce "ça" qu'elles ont tant de mal à nommer?
Un sentiment de dégout de soi et de l'autre, un sentiment fort de trahison de la part de leurs amis, filles et garçons, qui minimisent tout, au nom du sacro-saint désir, (ou jalousie,) "d'être en couple", un sentiment fort de culpabilité et de l'avoir autorisé, voire "voulu vraiment". Certaines disent même l'avoir vraiment cherché, donc,"ça" n'est pas un viol!
La confusion est totale entre le besoin d'être aimées et intégrées et ce qui s'est passé sur leur corps, sans vrai désir et autorisation consciente de leur part.
Puis, quelques années plus tard, on constate des dépressions post traumatiques, le dégout et la peur d’être touchée, l'isolement mental et un sentiment terrifiant de solitude, même si elles font " comme si "tout allait bien", se donnant "beaucoup de mal", comme me l'a dit récemment une jeune pour "aller bien"
Pourtant elles sont bien seules avec leur difficultés, au milieu de leurs camarades, ne peuvent pas parler sans une gêne et un dégout insurmontable de cette sexualité qui les terrifie maintenant. Elles se sentent vraiment seules.
Certaines se posent des questions sur une homosexualité ou une frigidité qui les rendrait "célibataires pour toujours", tout est confus; les évènements passés se mêlent à leurs amitiés actuelles, les isolent d'une vraie possibilité de parler; l'impossibilité de nommer clairement, les flashes de dégout les obsèdent et "stopper ça" devient pour elles la seule voie possible.
Quand le sujet est abordé dans la thérapie elles se sentent ridicules, ou ne font pas forcement le lien avec leur malaise tant la norme adolescente impose ce que les jeunes "doivent faire".
Certaines plus affirmées disent cash , -je ne veux pas sucer donc pas de copain!
Aider, parler, expliquer aux jeunes ce qu'est consentir pendant les années adolescentes est fondamental; mais le doute me vient: les adolescents sont tellement conventionnels, normatifs et isolés des adultes, qu'ils acceptent au nom de leurs conventions ce qui semble le pire!
N 'oublions pas de garder une extrême vigilance sur ces années si fragiles.
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.