Marcel Rufo à Bordeaux : "On ne sait plus dire non aux enfants"
"L’adolescence n’est pas une maladie." Marcel Rufo, pédopsychiatre, inaugure ce lundi avec Philippe Jeammet la Maison des adolescents. Ils débattront ce soir à l'Athénée
Marcel Rufo participait à un colloque du CAPA samedi à Bordeaux. (Photo Stéphane Lartigue)
Ne pas oublier que derrière ses paroles éclairantes se tient un homme qui a soigné des jeunes en souffrance, pendant plusieurs décennies. Marcel Rufo, pédopsychiatre ô combien médiatique, sera ce lundi avec son confrère, Philippe Jeammet, à Bordeaux pour l’inauguration de la Maison des adolescents. Une occasion de plus pour récolter auprès de lui deux ou trois notions de base qui auraient échappé aux parents étrillés par la crise de leur ado.
Alors, docteur, y a crise ou pas crise ? « 85 % des ados vont bien. Nous, les pédopsys, ne devons pas nous laisser troubler par les 15 % malades, que l’on voit en consultation. L’adolescence n’est pas une maladie. » Philippe Jeammet, autre incontournable de l’observation de cette étrange « ethnie », ajoute : L’adolescence est une mise à l’épreuve qui passe par le doute de soi. Qui suis-je ? C’est un moment révélateur. Comme on ne se trouve pas te rrible, peuvent naître des comportements parfois dangereux. » Les deux médecins s’accordent à travers leurs dialogues et leurs ouvrages à rappeler que les parents sont en droit de s’inquiéter à partir du moment où l’enfant bute, ne travaille plus, s’isole de ses amis, de la vie de famille, de toute vie sociale. « S’il s’enferme, c’est qu’il a peur ailleurs », assure Philippe Jeammet. Alors, la Maison des ados peut venir en aide, comme un lieu de lien. Le jeune pourra y être accompagné de toutes les manières : sociale, scolaire, juridique, familiale, médicale.
La Maison des adolescents Gironde sera inaugurée ce matin à 11 heures au 5, rue Duffour-Dubergier à Bordeaux. Mairie, ARS, CHU, association Rénovation, Udaf, Conseil général, CAF, Direction de la cohésion sociale sont partenaires. Ses missions ? Accueil des jeunes entre 11 et 25 ans, écoute, soutien, orientation tous les jours de 13 heures à 18 heures sauf le dimanche. Portes ouvertes cet après-midi, avec un concert d’Isotope place Pey-Berland, suivi d’un échange avec Philippe Jeammet et l’équipe MDA à 16 heures. À 19 h 30, Marcel Rufo rejoindra Philippe Jeammet à l’Athénée. Entrée libre.
Marcel Rufo fut un peu à l’origine de la création des Maisons des ados en France, puisqu’il avait défendu le projet en 2004, durant la Conférence de la famille. Depuis, 75 Maisons des ados comme celle de la Gironde ont vu le jour.
Aujourd’hui, le cheval de bataille de Marcel Rufo semble tourner autour du recadrage des parents. On peut compter sur le Marseillais pour ne pas mâcher ses mots. « Les parents d’aujourd’hui sont parfois des ados eux-mêmes. Ils sont dans la séduction de leur enfant, en ce sens qu’ils cherchent à lui plaire. Les parents désormais préfèrent comprendre leur enfant plutôt que l’éduquer. Du coup, les familles actuelles sont une fabrique d’ados en crise. Après la bébéologie, qui a marqué cette génération de jeunes parents, amoureux de leur petit enfant, comment lâcher ce bonheur d’être parent qui leur a apporté tant de plaisir ? »
« Du coup, poursuit le pédopsychiatre, on ne sait plus dire non. On craint de s’opposer à l’enfant, qu’il ne soit pas content. Et on se plante. Si les jeunes ont tant de peine à quitter le giron familial, c’est qu’ils y sont bien, trop bien. Quelle illusion de laisser croire aux jeunes que la vie est facile ! Parce que non, elle ne l’est pas, et ils doivent le savoir. »
Marcel Rufo, tout comme Philippe Jeammet, rappelle avec fermeté, lors de toutes les rencontres, toutes les conférences qu’ils écument en France, le rôle du parent. Accepter de déplaire. « Il faut être radical, tonne Philippe Jeammet. Ne pas tout cautionner, replacer les limites. Accepter le désaccord. »
« Moi, je me fiche en colère lorsque j’entends des jeunes s’adresser à leurs parents, devant moi, en des termes très irrespectueux. Le respect est une valeur indispensable, d’un côté comme de l’autre, ajoute Marcel Rufo. Et ce n’est pas, quand on est parent, manquer de respect, que de dire à son enfant : “Je ne suis pas d’accord avec toi.” »
Petit rappel en règle donc à l’attention des parents bienveillants : respect, fermeté. Accepter d’être… des vieux rabat-joie. Pas glamour certes, mais nécessaire.
Ce soir, à l’Athénée, Rufo et Jeammet feront sans doute salle comble et pourront échanger avec le public sur le thème des « Nouveaux adolescents ». Des écrans, il sera aussi question. « L’ordi ne crée pas le trouble, il le révèle », martèle-t-il.
À la question “Quand doit-on consulter ?”, le psy répond : « Dès que l’on doute, il faut y aller. Et, si le psy vous répond, tout va bien au revoir, tant mieux ! Quand je fais un vaccin contre la diphtérie, ce n’est pas pour l’avoir. Mieux vaut consulter, même pour rien et ne pas laisser un jeune s’enfermer. »
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