Il ne fait rien à l’école, que se passe –t-il?
Durant Le processus d’adolescence, on retrouve très fréquemment le « souci scolaire », le jeune ne fait rien, semble ne s’intéresser aucunement à sa scolarité et apparaît comme désinvolte sur tout ce qui touche son travail scolaire. L’ambiance familiale, qui se focalise alors autour de la scolarité, pollue vraiment les relations parents enfant et même les relations dans le couple parental.
Que se passe-t-il ?
Beaucoup d’interrogations et de facteurs sont en cause, je vais ici en aborder un : « la difficulté à penser. »
On peut en distinguer deux types :
Le « renoncement à penser » dans ses deux formes cliniques : le lien anxieux, et le lien d’opposition
« L’inhibition de la pensée » dont la forme la plus classique est constituée par le fléchissement scolaire.
Le renoncement à penser :
Les signes d’appel donnés par les enseignants sont souvent les suivants: "il rêve, est dans la lune , oublie ses affaires, ne note rien". Les parents également se plaignent : "il faut être sans cesse derrière, c’est un bébé, il pourrait s' il voulait," et ils égrènent les menaces.
Les interrogations à se poser devant ce tableau sont les suivantes :
- Ce symptôme dure-t-il depuis les premiers apprentissages ?
- Quelqu’un doit il être toujours derrière pour que le jeune se mette au travail
- Travaille –t-il mieux dans certaines matières ?
- A-t-il l’habitude de quitter ses parents pour de petites séparations ( dormir chez un ami, petites colonies de vacances) ?
- A-t-il vécu récemment un événement à valeur de séparation ou de perte ?
- Ce comportement est-il isolé ou s’accompagne-t-il d’autres difficultés : isolement relationnel par exemple ( adolescent seul à la récréation, bouc émissaire en classe).
L’autonomisation constitue le maître mot des quatre années autour du collège ; au cours de ce temps le jeune doit mettre en œuvre ses propres stratégies d’apprentissage ; Ne penser à rien est un obstacle de taille à ce projet !
Celui qui ne veut pas, ou ne peut pas s’autonomiser, cherche donc la proximité permanente d’un adulte. Le manque de concentration traduit donc plutôt un attachement anxieux à un parent, plutôt qu’un manque de maturité. Même si le jeune hurle le contraire. Avec l’âge, l’attachement anxieux bascule souvent vers la dissimulation et les conduites provocatrices.
Qu’est ce que Le lien anxieux ?
Cliniquement repérable par des phrases du type, « il a un blocage… il rêve, il manque de concentration, les enseignants disent qu’il lui faut un maître pour lui tout seul, il ne pense qu’à jouer » ;
En disant cela les parents soulignent le fait que leur enfant ne veut pas grandir et se positionne clairement du coté de l’enfance.
Les parents reconnaissent les désagréments de cette attitude car les résultats scolaires ne sont pas là ; ils ne sont pas fondamentalement inquiets ; l’enseignant constate le côté passif de l’enfant, le parcours scolaire en primaire a été laborieux ou le jeune est tenu à bout de bras par les parents.
Si la souffrance parentale existe car leur enfant n’obtient pas en classe les résultats escomptés ; on constate en revanche aussi une certaine complaisance de leur part à prolonger ce lien infantile. En quelque sorte, les parents, tout en reconnaissant les désagréments de cette attitude, n’apparaissent pas, au début, comme fondamentalement inquiets, car ils pensent détenir une explication, ce qui leur permet de mieux tolérer les difficultés
L’adolescent est qualifié de rêveur, dans la lune, tout se passe comme si l’utilisation de la pensée réflexive se faisait par à coups en fonction de la charge anxieuse mobilisée par la situation scolaire : ( matière appréciée ou non , mais aussi sujet fantasmatiquement anxiogène, relation au professeur etc.)
Les résultats en dents de scie donnent la fausse illusion que l’enfant « ne se donne pas la peine » de travailler régulièrement, alors qu’il s’agit en fait d’un envahissement anxieux de sa pensée.
Au collège ce tableau évolue en deux périodes; en 6eme 5eme ou cet « enfantillage » ne s’accompagne pas de troubles du comportement; Tout est mis sur le compte adaptation au collège . En 4ème apparaissent des comportements plus actifs de malaise, d’évitement scolaire, de dissimulation des notes, de devoirs non marqués dans l’agenda. Cette dissimulation maladroite est à comprendre comme autant de tentatives du jeune pour adhérer aux exigences développementales clairement signifiées par la puberté c’est à dire le besoin de se désengager de la relation aux parents. On pourrait dire que l’ado se sent « obligé » de se comporter comme cela, mais qu’au fond la situation antérieure , celle du rapproché parental lui convenait très bien !
A la maison les devoirs tournent à l’affrontement (en début de collège c’est plutôt la passivité qui domine).
-As-tu fais tes devoirs ?
-je vais les faire répond distraitement l’ado vautré devant les jeux vidéos. S’il cède, dit il, c’est pour avoir la paix alors qu’il est dans l’incapacité de se mettre seul au travail, céder camoufle son impuissance à faire seul !
Dès la 4ème la situation change, l’acceptation boudeuse de l’adolescent de se soumettre aux exigences parentales n’est plus possible pour lui car elle renvoie à une attitude de soumission surtout pour le garçon dont le père est alerté par la mère et qui intervient de manière autoritaire pour « mettre son fils au travail ». La situation devient encore plus nette dans le cas de séparation , où le père intervient pour reprendre en main l’enfant « mal éduqué » par la mère. La seule défense possible de l’adolescent est d’attirer l’attention des parents sur son comportement difficile pour échapper au scolaire.
Ce maintient coûte que coûte du coté de l’enfance, constitue la trace d’un lien anxieux avec les parents, la mère le plus souvent.
Il est fondamental d’écouter, éventuellement d’aider le parent qui souvent, de par son attitude anxieuse également, maintient le lien de dépendance.
Cette énergie à « allumer » le parent dans une attitude de procrastination ,( à repousser tout, tout le temps) permet au jeune d’avoir l’illusion d’une séparation, mais il sait que son refus va immanquablement déclencher un rapproché parental : « je ne peux pas lui faire confiance, il faut que je sois sans cesse derrière lui » disent les parents accablés ; il s’agit d’un véritable instrument d’emprise. Et le parent se "rapproche" de son enfant….
Il faut aller chercher dans les expériences vécues et les antécédants familiaux du coté de l’anxiété, des séparations, divorces, maladies, décès et autour de la relation des parents au savoir.
Ce type de situation comporte un vrai risque.
Il peut avoir pour conséquence une « impossibilité à penser »
Il faut pousser les adolescents à relancer le processus de penser par des techniques concrètes et le surprendre en lui demandant par exemple de penser à occuper ses mains en même temps qu’il apprendra ou parlera, et bien sûr lever l’angoisse par la parole.
Mais on peut imaginer que lorsque les parents et les enseignants s’entendent pour renforcer mutuellement la surveillance ce peut être contre productif !
Apres une période surinvestie par les adultes ou l’on note des améliorations ,on observe bien souvent un retour à l’état antérieur.
La prise en charge doit se faire le plus rapidement possible en classe de 4ème avant que l’engrenage ne se mette trop en place.
Qu’est ce que Le lien d’opposition ou d’excitation réciproque ?
Ce type de situation est aussi très fréquent dans les consultations pour difficultés scolaires :
Cliniquement repérables par des phrases d’enseignants comme : « il a des possibilités mais ne les exploite pas, son comportement peut être agréable ou exécrable » ; du coté des parents « il pourrait s' il voulait, il n’a pas compris que c’est pour lui qu’il travaille, l’internat le guette, » ou au moment de la consultation , « vous savez il ne voulait pas venir je ne peux pas toujours le forcer… c’est à lui de décider… »
Ces quelques phrases permettent de vite repérer le type de relation entre parents et enfants ; à la différence de la relation précédente ou l’angoisse organisait la relation ici elle se structure autour de la contrainte et de son complément l’opposition.
les troubles du comportement sont souvent au premier plan traduisant la difficulté pour l’adolescent de se soumettre à une contrainte. Ces adolescents étonnent par leur bonne capacité de raisonnement dans certaines matières, investies souvent pour l’impact affectif que représente l’enseignant ; ils sont très sensibles à une ambiance de classe et peuvent devenir alternativement bouc émissaire ou meneur.
Au plan familial la surveillance des devoirs s’effectue non pas dans un contexte d’aide mais de suspicion et ne concerne pas la scolarité mais la répartition du temps entre travail et loisir qui est mesurée. L’enfant est d’emblée considéré comme un fainéant paresseux ne pensant qu’à son bon plaisir !
Parfois les exigences parentales sont irréalistes « tu auras un scooteur si tu as 14 » formulées à un jeune qui passe difficilement à 8 ou 9 ! Les parents s’intéressent peu au contenu des savoirs mais veulent voir le jeune en « position » de travail. Posté on pourrait dire.
Le plaisir à apprendre ne semble pas reconnu mais la souffrance via l’effort a de l’importance.
-Il est bon d’interroger les parents sur leurs « croyances » face à la scolarité et de comprendre ce qu’ils ont vécu-
La relation avec le jeune et les enseignants même parfois, est vécue sur le mode de l’affrontement.
Les parents ont un investissement narcissique fort sur le jeune. Ces jeunes doivent répondre aux attentes parentales de réparation tout en prenant garde de ne pas les dépasser pour maintenir le poids de la dette trans-générationnelle dont personne bien sur ne peut s’acquitter ; cela maintient le lien.
On retrouve dans les histoires familiales deux types de problématiques du coté des parents : le sentiment de « s’être fait avoir dans la vie », et de ne pas avoir eu la place dans le statut social auquel ils aspiraient ; milieux défavorisés, revers de fortune…
Ils présentent un vif ressentiment à l’égard de la société et leur enfant est sommé de racheter l’échec social, il peut s’agir de parents qui élèvent seul un enfant.
L’enfant se met souvent sur le mode de la toute puissance, puis à l’adolescence, la situation sollicite beaucoup l’histoire parentale. Le parent s’identifie de manière massive à son adolescent ne lui laissant peu d’espace personnel de développement. Ce n’est pas l’investissement de la connaissance qui pose problème au jeune mais la relation à l’adulte en général, le rapport d’emprise et de contrainte est au cœur du problème.
Quel type de prise en charge est à envisager ?
Tout comme ceux habités par le lien anxieux ces adolescents sont sensibles à la relation affective avec l’enseignant.
Mais pour les anxieux ce sont les qualités affectives de l’enseignant qui sont repérées, pour les opposants ce sont les qualités de justice et d’équité. Le changement de milieu ou il perdent leur étiquette leur est souvent bénéfique l’internat a le bénéfice de rompre la fusion toxique; ils peuvent changer de filière. Beaucoup d’entre eux souhaitent apprendre par eux-mêmes d’ou l’intérêt d’une mise en situation d’apprentissage. En effet le rapport dominant dominé leur est insupportable et la dimension passive de l’apprentissage verbo-conceptuel qui ne débouche par sur le concret les insupporte ; ils ne sont pas dépourvus d’intérêt pour la théorie si elle débouche sur l’action et l’expérience ; les filières technologiques ou professionnelles leur conviennent souvent très bien.
Malheureusement ils sont souvent étiquetés comme inaptes aux études !
L’inhibition de la pensée
Cette pathologie est en lien direct avec l’avènement des transformations pubertaires. Elle se voit donc le plus fréquemment à partir du milieu de la classe de 4eme, surtout pour les garçons qui débutent leur puberté à cet âge.
Proche du lien d’opposition, elle s’en différentie cependant par l’absence de comportements caractériels. Les élèves donnent l’impression d‘être étrangers à eux-mêmes. L’élève ne se désintéresse pas de la scolarité, il peut avoir ici ou là des bonnes notes dans les disciplines ou les exercices qui ne sollicitent pas la pensée. La mauvaise volonté est mise en cause par les parents qui trouvent en effet leur jeune nonchalant, comme si il étirait le temps. Selon la qualité des acquis antérieurs l’élève peut passer dans la classe supérieure mais bien souvent il redouble. L’adolescent ne comprend pas ce qui lui arrive et pense sincèrement qu’il va se rattraper au trimestre suivant. Dans sa forme la moins grave elle correspond au fléchissement scolaire. Ce symptôme est la trace psychique du travail de subjectivation de l’adolescence.
« La scolarité étant l’activité principale du jeune, sa vie, c’est dans l’affrontement entre le monde scolaire et le monde parental qu’il va tenter de liquider sa conflictualité interne, le fléchissement scolaire est un symptôme qui révèle alors toute sorte de conflits, parmi lesquels cependant les conflits d’identification semblent les plus fréquents » (Birraux, 1999).
Questions à se poser :
- L’adolescent a-t-il commencé ses transformations pubertaires ?
- La scolarité antérieure a-t-elle satisfaisante ?
- Y-a-t-il d’autres signes inquiétants : difficultés relationnelles par exemple, signes dépressifs, en particulier désinvestissement progressif de toutes les activité extra-scolaires antérieures ?
Le sentiment de vide cérébral protège l’adolescent de la sexualisation de la pensée. Lorsqu’une telle organisation est temporaire il n’y a pas lieu de s’inquiéter. En revanche son maintien sur deux voire plusieurs années doit faire consulter un spécialiste.
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